Carrière

Discours de Mr le Gouverneur Rosthom FADLI à l'occasion de la 45ème Réunion du Comité Monétaire et Financier International

21 avril 2022

Tout d’abord, nous souhaitons exprimer notre espoir sincère pour une résolution rapide, pacifique et durable de la guerre en Ukraine. En effet, cette guerre a plongé l’économie mondiale dans une nouvelle crise, au moment même où elle commençait à se redresser du choc de la pandémie de covid-19 et de ses séquelles. Les retombées négatives de la guerre ont déjà été ressenties partout,   à travers un ensemble de canaux directs et indirects et avec des degrés d’intensité différents entre les pays. La guerre et les sanctions imposées à la Russie, les auto-sanctions ainsi que les perturbations du commerce de l’énergie et du blé se sont particulièrement traduites par de fortes augmentations des prix de l’énergie et des produits alimentaires, qui ont frappé durement les couches vulnérables dans le monde entier. L’insécurité alimentaire est devenue une crise mondiale. La situation désespérée des réfugiés ukrainiens et des personnes déplacées à l’intérieur de l’Europe nous rappelle tristement le sort de tous les réfugiés et les populations déplacées à la suite de conflits dans d’autres régions. Exacerbant les effets inquiétants de la pandémie, la guerre en Europe pourrait affaiblir considérablement voire rompre définitivement les liens commerciaux, financiers et technologiques qui ont été développés et renforcés au cours des dernières décennies.

La guerre en Ukraine ne doit toutefois pas nous distraire de la pandémie de Covid- 19 qui n’est pas encore vaincue ; nous avons remporté les premières batailles mais nous n’avons pas encore remporté la guerre. Les récentes mutations et la propagation de nouveaux variants du virus devraient faire l’objet d’une grande préoccupation, en particulier pour les populations non vaccinées. Il est très décevant de constater que plus de la moitié des pays membres du Fonds ne seront pas en mesure d’atteindre les objectifs de vaccination déterminés par le Fonds, et que les taux de vaccination dans de nombreux pays à faible revenu, principalement en Afrique sont toujours à un seul chiffre. L’amélioration de l’accès aux vaccins, et le renforcement des mesures de soins de santé en particulier dans les régions et les pays en retard en matière de couverture vaccinale, doivent rester au centre des préoccupations jusqu’à ce que la pandémie disparaisse.

Face à une nouvelle série de défis, il est essentiel que les décideurs politiques identifient clairement les politiques prioritaires et conçoivent des politiques adaptées pour préserver la stabilité macroéconomique et remédier les effets marquants des deux crises qui se sont succédées. Les politiques doivent être adaptées et spécifiques à chaque pays afin d’être pleinement efficaces. Soutenir la relance dans un contexte d’une marge de manouvre budgétaire limité demande de cadrer soigneusement le retrait des mesures d’urgences liées à la pandémie, tout en protégeant les ménages à revenus faible par des subventions et des revenus de transfert ciblées. La guerre, et son impact conséquent sur les prix, a également accéléré le resserrement des conditions financières internationales qui étaient déjà en cours en réponse à la tendance haussière de l’inflation avant la guerre. Alors que l’on s’attend à présent à ce que l’inflation reste plus élevée pendant plus longtemps et soit moins transitoire tel que prévu il y a seulement quelques mois, une période prolongée de resserrement des conditions financières ferait courir un risque élevé aux économies des marchés émergents très endettées  et aux pays en développement, à travers des sorties de capitaux, une dépréciation de la monnaie, une augmentation des couts affectés aux services de la dette et un accès restreint aux marchés financiers internationaux. Le FMI a joué un rôle essentiel en aidant avec succès les pays membres à affronter les répercussions économiques de la pandémie, il est attendu à présent qu’il relève le défi à nouveau afin d’aider les pays membres   à faire face aux retombées négatives de la nouvelle crise mondiale. Nous saluons la reconnaissance par le FMI des vulnérabilités aigues des états fragiles et pays affectés par des conflits (EFC) et son intention d’adapter le soutien financier à la situation des pays et de renforcer le partenariat avec d’autres partenaires et institutions de développement, dans le contexte de la nouvelle stratégie (EFC).

Les gains en bien-être des dernières décennies et nos très récents succès collectifs dans la lutte contre un ennemi commun – la pandémie de la Covide-19 – témoignent des avantages partagés du multilatéralisme.  Aujourd’hui plus que jamais, une solide coopération internationale est indispensable afin de protéger le système de commerce fondé sur des règles multilatérales, la stabilité financière mondiale et relever de nouveaux défis. La croissance rapide de la digitalisation est porteuse d’opportunités mais aussi de risques pour la stabilité financière et même pour le système monétaire international. Nous saluons l’approfondissement de l’expertise du Fonds pour évaluer les risques potentiels de la digitalisation et développer des lignes directrices pour atténuer ces risques à travers un effort multilatéral.

Une action internationale agile et proportionnée est nécessaire pour prévenir l’insécurité alimentaire devenue une crise humanitaire à part entière. Nous saluons à cet égard, la proposition d’action commune du Fonds, la Banque Mondiale, le Programme Alimentaire Mondiale et l’Organisation Mondiale du Commerce pour aider à assurer les approvisionnements alimentaires et le soutien financier aux pays vulnérables à travers les dons, le commerce sans entrave et l’investissement dans la production alimentaire durable. Nous encourageons les autres IFI, agences NU et les ONG à rejoindre et renforcer l’initiative afin de prévenir une nouvelle catastrophe humanitaire. La famine en Afghanistan, au Yémen et dans certaines zones d’Afrique ne doit pas être oubliée. Nous constatons avec une profonde préoccupation que la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie alimente les tensions sociales et menace la stabilité politique.

Comme dans d’autres parties du monde, le choc de la guerre en Ukraine se répercute sur tous les pays de notre circonscription. Les coûts élevés des produits alimentaires ont accrue le niveau de pauvreté et ont exposé des parties de la classe moyenne à l’insécurité alimentaire, pendant que le resserrement des marchés financiers internationaux expose certains pays de notre groupe à un grave risque d’accès limité au financement extérieur. Le Fonds doit être attentif aux arbitrages difficiles et aux défis concurrents auxquels nos autorités sont confrontées. Plus que jamais, le conseil de politique générale du Fonds doit être davantage pragmatique et spécifique à chaque pays, compte tenu du fragile équilibre socio-politique dans de nombreux pays. La hausse des prix du pétrole a assurément procuré un répit temporaire aux exportateurs de pétrole et de gaz de notre groupe, il est toutefois important de garder à l’esprit que ces pays sont confrontés aussi à leurs propres défis d’une transition déjà coûteuse. Ils reconnaissent que leurs efforts à long terme vers la diversification économique ne doivent pas être compromis par un gain momentané et fortuit et que cette diversification est nécessaire pour éviter les cycles d’expansion et de récession du passé. Comme toujours, ils continuent d’être attachés à la stabilité des marchés internationaux du pétrole et du gaz. 

Les Pays à Faible Revenus (PFR) qui sont les plus touchés par ce double choc ont besoin d’une assistance financière internationale soutenue, avec des conditions préférentielles et des allègements de dettes généreux. Les PFR sont sortis de la pandémie avec peu ou dans certains cas, aucune marge d’action politique, des restrictions financière importantes, ainsi qu’un niveau d’endettement élevé, additionnés à leurs fragilités accrues par la pandémie, et plus récemment par la crise en Europe. Nous avons constaté avec une vive inquiétude que 60 pour cent des PFR sont déjà dans le surendettement ou bien exposés à un grand risque de surendettement. Pour ces pays, ces énormes défis additionnés à des failles structurelles chroniques et des fragilités posent un énorme obstacle pour atteindre une stabilité financière et une croissance durable.

Le conseil de politique générale et le soutien financier en matière de formation des capacités du Fonds seront essentiels. Les facilités du FMI notamment- « Réduction de la pauvreté et la croissance » (PRC), en plus de la création du nouveau fond fiduciaire « Résilience et Durabilité » (RD) – doivent continuer à pallier ces déséquilibres et ces besoins financiers qui vont probablement augmenter en raison des deux crises. Il est attendu du fond « Résilience et Durabilité » (RD) de jouer un rôle fondamentale en aidant les membres à combler les lacunes structurelles et construire une résilience aux chocs externes, en proposant des financements à long terme. Nous portons notre appréciation aux pays qui ont exprimé leurs désire de soutenir le PRC et le RD on réaffectant leurs allocations DTS.

Nous sommes tous engagées en faveur d’un monde plus écologique, et accordons une importance nécessaire aux reformes transformationnelles afin de faire face aux menaces existentielles provoquées par le changement climatique. Malheureusement, avec une empreinte carbone réduite, les économies des pays en voie de développement à faible revenus et celles des économies insulaires, encaissent les dommages crées et perpétués essentiellement par les grands émetteurs durant ces dernière décennies. Il est attendu du fond « Résilience et Durabilité » (RD) qu’il joue un rôle important au soutien des économies des pays en voies de développement et des petites économies insulaires vulnérables pour construire une résilience face au changement climatique. Nous estimons également qu’il est important que le fond et les autres institutions financières internationales (IFI) adoptent une approche holistique de décarbonisation afin de répondre aux préoccupations des importateurs et des exportateurs d’énergie lors de la transition. Il est également important de savoir que les mêmes objectifs verts seront atteints par des moyens et des voies différentes en fonction de la situation individuelle de chaque pays.  

 

Enfin, nous réitérons notre appel en faveur d’un FMI fort, fondé sur des quotes-parts et doté des ressources adéquates au centre du filet de sécurité financière mondiale. Nous apportons notre soutien aux travaux en cours de la 16éme révision générale des quotes-parts avec l’objectif de le compléter d’ici Décembre 2023, et ce tout en protégeant les parts des membres les plus pauvres. Comme exprimé auparavant, nous appelons à une révision des formules quotes-parts et à une augmentation dans les quotas de ressources du FMI qui est moins dépendant des ressources d’emprunt temporaire.