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COMITE MONETAIRE ET FINANCIER INTERNATIONAL
Déclaration de Monsieur le Gouverneur Salah-Eddine Taleb à la Cinquante-deuxième réunion du « Comité Monétaire et Financier International » 16-17 octobre 2025
TRADUCTION
Déclaration de M. Salah-Eddine Taleb, Gouverneur de la Banque d’Algérie, au nom de l’Algérie, du Ghana, de la République islamique d’Iran, de la Libye, du Maroc, du Pakistan et de la Tunisie
L’économie mondiale entre dans une nouvelle phase, marquée par une forte incertitude. Le vieillissement démographique, la transformation numérique et le changement climatique sont des forces transformatrices qui façonnent les structures économiques futures des pays, avec des incidences importantes sur la croissance et la répartition des revenus. Par ailleurs, des niveaux d’endettement élevés et des évolutions de l’ordre économique international entraînent l’économie mondiale sur un terrain inexploré, assombrissant davantage les perspectives à long terme.
En dépit de sa résilience actuelle, la trajectoire de croissance mondiale demeure atone. Cela tient à la matérialisation de chocs tarifaires, à la persistance d’incertitudes de politique économique et à la prolongation des tensions géopolitiques. Il en résulte que la croissance mondiale — déjà attendue en-deçà des moyennes d’avant-pandémie — devrait encore ralentir à moyen terme. Cette évolution compliquera les efforts des pays pour stimuler l’emploi, réduire la pauvreté et reconstituer les marges de manœuvre budgétaires. Dans le même temps, l’inflation, qui reste au-dessus de la cible, converge graduellement, à des rythmes différenciés selon les économies.
Les perspectives sont inclinées à la baisse, sous l’effet notamment de réorientations de politiques dans des secteurs émergents, du risque d’escalade de conflits et d’un durcissement des conditions financières internationales. Si la transformation numérique et les avancées des négociations de paix constituent des facteurs à la hausse, ils ne devraient pas l’emporter sur les risques baissiers s’ils se matérialisaient. En outre, des différentiels d’inflation pourraient nécessiter des orientations et des taux de politique monétaire divergents entre pays, suscitant des mouvements de capitaux. Combinés aux vulnérabilités budgétaires et financières existantes, ces facteurs pourraient accroître les risques pesant sur la stabilité financière, avec des retombées transfrontières.
Dans le contexte actuel, la politique économique la plus efficace et la plus efficiente consiste à renforcer le multilatéralisme et la coopération internationale. C’est indispensable pour rétablir l’ordre économique, prévenir les conflits, limiter le protectionnisme et coordonner les politiques. Se reposer uniquement sur les politiques économiques traditionnelles, surtout lorsque les contraintes sont fortes, est à la fois inefficace et coûteux — des coûts que les économies ne peuvent se permettre. Il est nécessaire de réformer les mécanismes internationaux de règlement des différends économiques et politiques afin d’offrir aux pays des alternatives efficientes et de dissuader les actions onéreuses. La concentration de déséquilibres extérieurs excessifs dans quelques grandes économies offre l’occasion de mettre à profit la coopération et de réaligner les politiques intérieures pour rétablir en temps utile et de manière durable l’équilibre extérieur.
Les petites économies de marchés émergents et en développement (EMDE), y compris dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MOANAP), ont déjà subi les premiers effets négatifs des relèvements tarifaires et du ralentissement de la demande extérieure. Par ailleurs, la région MOANAP continue d’être confrontée à des conflits prolongés et récurrents, qui entraînent des coûts humains et économiques considérables.
- Pour les exportateurs de pétrole et de gaz de notre circonscription, la volatilité des marchés pétroliers pourrait fragiliser les équilibres extérieurs et budgétaires. Ces pays ont engagé des efforts pour diversifier leurs économies au-delà des exportations d’hydrocarbures ; toutefois, des droits de douane plus élevés et une demande extérieure plus faible constituent des défis supplémentaires. Ils devraient poursuivre leurs transformations afin de stimuler la productivité, l’investissement et une croissance portée par le secteur privé.
- Pour certains importateurs de pétrole de notre circonscription, une hausse des droits de douane pourrait accentuer les tensions extérieures en réduisant les exportations et en renforçant les pressions inflationnistes via la dépréciation du taux de change. Ces économies devraient consolider leurs finances publiques en améliorant la mobilisation des recettes intérieures et en hiérarchisant les dépenses.
- Les pays à faible revenu, y compris dans la région MOANAP, sont confrontés à des difficultés additionnelles en raison de besoins de développement substantiels. Dans ces pays, notamment ceux qui sortent d’un conflit, les options de politique économique sont extrêmement limitées et les reconstructions post-conflit tendent à être coûteuses, ce qui souligne la nécessité d’un appui international.
- La paix — fondée sur le droit international et des intérêts mutuels — est essentielle pour instaurer un environnement des affaires stable au sein de la région MOANAP. Nous soutenons donc les efforts de paix et espérons que le dernier accord contribuera à une stabilité durable.
Les politiques macroéconomiques devraient viser à reconstituer les marges de sécurité budgétaires et à renforcer la résilience face à de futurs chocs. La politique monétaire doit rester centrée sur la stabilité des prix, avec un ancrage assuré par l’indépendance de la banque centrale. La politique budgétaire doit viser à ramener la dette à des niveaux soutenables et, lorsque la marge le permet, à soutenir l’activité économique et les populations vulnérables. L’amélioration de l’efficience de la dépense publique peut dégager des marges pour l’investissement dans les infrastructures, l’éducation et la santé. Les EMDE — confrontées à des difficultés telles que des décalages de monnaies, des marchés de change peu profonds et des anticipations d’inflation insuffisamment ancrées — peuvent recourir à la gestion des flux de capitaux, aux interventions sur le marché des changes et aux mesures macroprudentielles afin de rétablir la stabilité financière et des prix. Le renforcement des cadres budgétaires, monétaires et financiers peut élargir la marge de manœuvre des autorités en atténuant les arbitrages de politique économique. Des réformes structurelles sont également nécessaires pour raviver la croissance à long terme.
Nous soutenons le Programme d’action mondial de la Directrice générale. Les conseils de politique économique, l’appui au développement des capacités et le financement du FMI sont essentiels pour la stabilité financière internationale. Le Fonds est bien placé pour fournir des conseils adaptés qui tiennent compte de la structure économique de chaque pays, de sa position conjoncturelle et des chocs spécifiques. Il peut aussi aider les pays à renforcer leurs capacités en améliorant leurs cadres de politique économique et à faire face à leurs tensions extérieures à court terme au moyen de ses instruments de prêt.
Nous saluons les efforts du Fonds pour renforcer la mise en œuvre des axes clés de son mandat, notamment l’Examen global de la surveillance, la Revue de la conception des programmes et de la conditionnalité, ainsi que les questions de dette. À l’avenir, le Fonds devrait poursuivre ses efforts pour rationaliser la restructuration de la dette, en aidant débiteurs et créanciers à parvenir à des accords en temps voulu.
Enfin, nous réitérons notre soutien à un FMI solide, fondé sur les quotes-parts et doté de ressources adéquates, au centre du Réseau mondial de sécurité financière. Tous les pays de notre circonscription ont d’ores et déjà approuvé la 16e révision générale des quotes-parts (RGQ), et nous appelons l’ensemble des membres à en faire de même pour que l’augmentation des quotes-parts puisse entrer en vigueur. Nous encourageons également l’élaboration de principes directeurs appropriés en matière de gouvernance du FMI dans le cadre de la 17e révision générale des quotes-parts (RGQ), et des suivantes. Nous continuons de penser qu’une approche fondée sur le réalisme, le pragmatisme et le gradualisme facilitera l’aboutissement effectif des révisions futures.