Allocution de Mr le Gouverneur Mohammed Loukal à l’ouverture de la Journée sur : « La modernisation des banques : Réalisations et Perspectives »

19 février 2019


Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président de l’ABEF,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs Généraux,
Honorable assistance,

Je voudrais, d’abord, remercier les organisateurs de cette rencontre de m’accorder le privilège de m’adresser à la communauté bancaire et financière sur un thème qui nous interpelle tous, notamment en ces temps où le rôle des banques dans le financement sain et durable de l’économie est plus que jamais crucial.

Comme chacun le sait, le financement de l’économie algérienne demeure largement dominé par la dépense publique, elle-même dépendante, dans une large mesure, de la fiscalité pétrolière.

L’histoire récente a mis en exergue les conséquences sur l’économie que pourrait induire une situation des finances publiques difficile.

Le recours au financement non conventionnel, en l’absence d’autres sources de financement, a permis de desserrer cette contrainte financière et d’assurer la continuité de la dépense publique, mais cela ne peut constituer une solution durable, tel que reconnu, à juste titre, par les dispositions légales instituant ce type de financement.

En effet, conformément à ces mêmes dispositions, l’utilisation de ce mécanisme de financement est limitée dans le temps et adossée à l’objectif de rétablissement des équilibres macroéconomiques et l’ancrage d’un processus de diversification de l’économie, à travers un large spectre de réformes économiques, institutionnelles et financières.

Dans cet éventail de réformes, la réforme et la modernisation du secteur bancaire occupe une place primordiale.
L’investissement public a contribué à la dotation de l’économie nationale en infrastructures de base nécessaires à la création et au développement des entreprises. Elles constituent un socle important pour le développement de l’investissement productif marchand, afin de générer une croissance durable, endogène, capable de s’auto-entretenir et inclusive.

L’investissement productif marchand doit s’élever et s’étendre, beaucoup plus que par le passé, aux activités dans les industries manufacturières et les services productifs marchands dont le socle est constitué, en Algérie, comme ailleurs , par les petites et moyennes entreprises, principales pourvoyeuses d’emplois.

Accompagner cet investissement par des financements adéquats est crucial pour la réussite de la diversification de l’économie. Le rôle des banques, à cet égard, est primordial. Mais le marché financier, jusqu’ici embryonnaire, doit également jouer son rôle. La canalisation des grands groupes économiques vers ce marché, pour une partie de leurs besoins de financement, contribuerait à sa forte dynamisation et ouvrirait de plus amples espaces au
financement bancaire des PME.

Dans la sphère bancaire, la réforme de la gouvernance des banques doit constituer un axe stratégique majeur, guidée par le s principes d’autonomie, d’efficacité et d’obligation de performance. Elle doit constituer le signal fort de l’orientation des nécessaires réformes bancaires, à même de promouvoir la concurrence et davantage d’efficacité dans l’intermédiation bancaire.

La collecte des ressources est l’un des talons d’Achille du système bancaire algérien. Sur les quelques 5 000 milliards de dinars de monnaie fiduciaire en circulation, qui représente près de 32% de la masse monétaire M2, on estime entre 1 500 à 2 000 milliards de dinars représentent l’épargne, hors circuits bancaires, des agents économiques.

L’amélioration des services bancaires existants et une politique agressive d’offre de services innovants, y compris une politique de taux attrayants, permettrait certainement de drainer une grande partie de cette épargne vers les circuits bancaires. Cette démarche est d’autant plus nécessaire qu e l’actuelle aisance en matière de liquidité bancaire est générée, dans une large mesure par le financement monétaire, appelé à prendre fin dans
un horizon temporel limité.

La Banque d’Algérie demeure à l’écoute de la place bancaire pour accompagner cette démarche, dans le cadre de ses missions.

Concernant le financement de l’investissement, la forte hausse de la part des crédits à moyen et long terme dans le total des crédit s, observée au cours des dix (10) dernières années (de 57% en 2009 à 75% en 2018) résulte, essentiellement, de celle des crédits à long terme liée au financement des investissements, dans les secteurs de l’énergie et de l’eau.

En effet, même si le financement de l’économie a indéniablement progressé ces dernières années, comme l’indique la progression annuelle des taux de croissance des crédits (8,7% en 2016, 12,3% en 2017 et 13,8% en 2018), il n’en demeure pas moins, que cette progression, n’a pas été totalement inclusive de l’ensemble des secteurs de l’économie.

Pour rappel, les crédits à l’économie ont atteint 49,9 % du PIB en 2018, (passant de 7,909 milliards de DA à fin 2016, à 10.102 Milliards de DA en 2018).

De ce fait à l’avenir, les financements devraient s’orienter davantage vers les projets dans les industries manufacturières et les services productifs portés par les petites et moyennes entreprises, à valeur ajoutée avérée.

De ce point de vue, l’amélioration de la capacité des banques et établissements financiers à accompagner la création et le développement des PME productives est requise, de même que la dynamisation de leurs activités de conseil à la clientèle et notamment l’expertise en matière d’analyse de projets, qui sont des métiers que les banques doivent nécessairement développer pour promouvoir le développement des crédits d’investissement et mieux gérer les risques.

La Banque d’Algérie consacre des efforts permanents pour la promotion de ce segment d’activité des banques, notamment à travers la mise à niveau et la modernisation de ses centrales (gestion des risques et des impayés), au service de la communauté bancaire.
 
L’amélioration et le développement de l’intermédiation bancaire devrait, nécessairement, reposer sur la modernisation des systèmes d’information des banques.

Ces systèmes permettront aussi bien d’élargir la gamme des produits et des services vers la clientèle que la remontée fiable et exhaustive de l’information, support nécessaire pour une gestion efficace des banques et une supervision plus efficiente par la Banque d’Algérie, à même d’assurer une stabilité financière durable, au service d’une activité économique diversifiée et dynamique.

A cet égard, la Commission bancaire s’apprête à demander la conduite, par les banques et établissements financiers, d’audits de leurs systèmes d’information, sur la base d’un cahier des charges exhaustif et uniformisé.
En phase avec les développements dans le monde, la modernisation de nos banques et établissements financiers devrait se tourner résolument vers la numérisation, vecteur puissant pour une plus large inclusion financière, tant en termes de collecte de l’épargne qu’en termes de facilitation de l’accès au crédit.

La Banque d’Algérie consacre des efforts permanents, y compris à travers des notes d’orientation et des textes réglementaires appropriés, pour favoriser la réalisation de ces objectifs, sur la ba se du rétablissement durable de la nécessaire confiance entre la place bancaire et financière et la clientèle d’épargnants et d’investisseurs.

A ce titre, les consultations permanentes et de haut niveau, devenues coutumières entre les responsables de la Banque d’Algérie et de la place bancaire et financière, sont de nature à favoriser un dialogue fécond, aux fins de faire évoluer, dans l’intérêt bien compris de la place et de son environnement, les cadres règlementaires et opérationnels, devant soutenir les objectifs assignés, parmi lesquels le renforcement de la confiance partagée entre la place et sa clientèle.

Ces différents défis semblent à la portée de la place bancaire et financière dont la résilience aux chocs externes, a été éprouvée quatre (04) années durant , avec un fort potentiel de rentabilité et une recapitalisation adéquate.
« Il appartient, dès lors à cette place, d’aborder la réforme bancaire et financière, devant viser à la fois une diversification et une dynamisation de l’offre de crédit, sans oublier le renforcement des capacités des banques à drainer davantage l’épargne dans le cadre d’une intermédiation bancaire, devant être caractérisée par une concurrence loyale plus affirmée.

Pour ce faire, les banques sont invitées à s’atteler à une mise à niveau permanente de leur ressource humaine et de sa qualification, en vue d’aborder cette réforme financière par une aptitude plus marquée à l’égard de nouveaux métiers induits.

Tels sont, succinctement, mes observations sur les exigences et défis que les banques et établissements financiers sont appelés à relever, dans le cadre de la nécessaire modernisation effective, pour l’accomplissement de leurs missions, en tant, que moteur de croissance de l’économie et de sa diversification.

Je vous remercie de votre attention et souhaite plein succès à vos travaux.