Position financière extérieure et situation monétaire de l’Algérie en 2003

8 février 2004

Après le retour à la stabilité macro financière en 2000, suite au choc externe de 1998/1999, l’évolution macro-économique au cours des années 2001 et 2002 s’est caractérisée par la consolidation de la stabilité macro-financière.

Les performances financières se sont améliorées en 2003, année qui s’est caractérisée de plus par une solidité marquée de la position financière extérieure conjuguée à un fort taux (6,8%) de croissance économique et une inflation maîtrisée (2,6%).

  1. L’évolution au cours de l’année 2003 des principaux indicateurs de la position financière extérieure témoigne de la bonne viabilité de la balance des paiements et de la solidité de la position des réserves de change atteinte en 2003.

Les prix du pétrole ont enregistré une augmentation au premier semestre (28,9 dollars/baril) de 2003 pour se stabiliser au second semestre de la même année à ce niveau de performance. Pour l’année, le prix moyen (28,9 dollars/baril) atteint est bien au dessus de la moyenne (25,2 dollars/baril) enregistrée en 2002.

Le montant des exportations d’hydrocarbures est évalué à 11,98 milliards de dollars au second semestre de l’année 2003, soit le montant réalisé au premier semestre de la même année, totalisant environ 23,95 milliards de dollars pour toute l’année. Ces performances dépassent significativement les réalisations semestrielles (8,2 et 9,9 milliards de dollars) et annuelle (18,1 milliards de dollars) de l’année 2002. Il importe de rappeler que pour l’année 1999, les exportations d’hydrocarbures n’avaient totalisé que 11,9 milliards de dollars.                    

Les importations Fob ont enregistré en 2003 une poursuite de la tendance haussière qui a commencé au cours de l’année 2002. Ainsi, le niveau des importations est évalué à 13,3 milliards de dollars pour 2003, dont environ 7 milliards de dollars au second semestre, contre 12 milliards de dollars en 2002.

Cette augmentation s’explique, principalement, par l’accroissement des importations des biens d’équipement corrélative à l’augmentation du taux de croissance et à l’amélioration du taux d’investissement dans l’économie nationale. Ce montant des importations comporte également un effet de valorisation due à la forte appréciation (20%) de l’euro par rapport au dollar.

Le compte courant de la balance des paiements a enregistré une performance particulière au premier semestre de l’année 2003 avec un excédent de 4,8 milliards de dollars, légèrement supérieur à celui de l’année 2002. Avec un excédent moindre au second semestre 2003, le surplus annuel a été de près de 8 milliards de dollars. Ce qui représente environ 12 % du produit intérieur brut en 2003 contre seulement 7,8 % en 2002.

Une telle consolidation de la situation des paiements extérieurs courants en 2003 s’est conjuguée avec un élargissement substantiel du déficit au titre du poste services (nets) (environ 1 milliard de dollars) de la balance des paiements.

Corrélativement à l’augmentation du surplus du compte courant de la balance des paiements, le déficit du compte capital s’est stabilisé en 2003 par rapport au niveau (700 millions de dollars) de l’année 2002, après l’amenuisement enregistré durant les années 2000 – 2001. D’où la nécessité de la poursuite de l’objectif d’un équilibre du compte capital de la balance des paiements.

Au total, l’excédent de la balance globale des paiements extérieurs est estimé à environ 7 milliards de dollars pour l’année 2003, dont 3 milliards de dollars au titre du second semestre, soit près du double de l’excédent global de l’année 2002 qui avait atteint 3,6 milliards de dollars.

La consolidation renforcée de la balance des paiements extérieurs est bien reflétée par l’accumulation accrue des réserves officielles de change qui ont atteint 32,9 milliards de dollars à fin décembre 2003, après un passage de 23,1 milliards de dollars à fin décembre 2002 à 28,49 milliards de dollars à fin juin 2003. Leur niveau avait atteint 11,91 milliards de dollars à fin décembre 2000, l’année qui a en fait constitué le début de la reconstitution des réserves officielles de change après le “choc” externe de 1998-1999. A la fin de la période de rééchelonnement, c’est à dire l’année 1998, les réserves officielles de change n’étaient que de 6,8 milliards de dollars à fin décembre.

Les fondamentaux pour l’équilibre du marché interbancaire des changes sont demeurés bons en 2003, malgré les mouvements forts sur les marchés de change internationaux et en particulier le renchérissement fort de l’euro par rapport au dollar E.U et aux autres devises. C’est dans ce contexte que la Banque d’Algérie a poursuivi une politique de stabilisation du taux de change effectif réel du dinar, en cohérence avec la conduite prudente de la politique monétaire.

C’est ainsi que l’effet négatif de l’appréciation de l’euro, à partir de Mai 2003, sur l’économie nationale est resté limité, grâce à la gestion des réserves de change menée par la Banque d’Algérie qui a intégré ce retournement des marchés de change internationaux en termes de parité euro/dollar.

En effet, l’évolution des cours de change du dinar par rapport au dollar E.U. et à l’euro reflète, dans une large mesure, cette conjoncture des marchés de change des principales devises. Le cours dinars/dollar s’est situé à 72,6 dinars pour un dollar à fin décembre 2003 contre 78,37 dinars pour un dollar à fin juin 2003 et 79,72 dinars/dollar à fin décembre 2002. Pour ces mêmes fins de période, le cours dinars/euro était respectivement de 91,26, 89,79 et de 83,45.

Enfin, sous l’angle de la viabilité de la position financière extérieure, il est à souligner également la poursuite de l’amélioration des indicateurs de performance de la dette extérieure :

  • Recul significatif du ratio de service dette à 17,7 % en 2003 contre 21 % en 2002 et 47,7 % en 1998, année de fin du rééchelonnement ;
  • Recul important du ratio encours dette/produit intérieur brut à 35 % en 2003 contre 42 % en 2002 et 64,8 % en 1998 ;
  • Diminution du ratio encours dette/recettes d’exportations à 0,94 en 2003 contre 1,18 en 2002 et 2,80 en 1998 ;
  • Légère augmentation de l’encours de la dette extérieure à moyen et long terme à 23,2 milliards de dollars à fin 2003, après une stabilisation à 22,5 milliards de dollars en 2002. Cette augmentation est due à l’effet valorisation inhérent à la dépréciation du dollar E.U par rapport principalement à l’euro et à la mobilisation d’emprunts contractés par des entreprises à capitaux étrangers et non garantis par l’Etat.
  1. L’amélioration de la situation des finances publiques en 2000-2002 a permis le lancement à partir de mi-2001 d’un important programme de soutien à la relance économique 2001-2004, dans un contexte d’importants excédents globaux du Trésor pour les années 2000 et 2001.

La viabilité des finances publiques constitue un appui à la poursuite d’une mise en œuvre prudente du programme de relance, à mesure que l’élargissement de la sphère budgétaire est, de facto, induit par la nécessaire prise en charge des effets du séisme du 21 mai 2003.

En effet, l’impulsion apportée par la sphère budgétaire à la reprise de la croissance a été significative dès 2002 et s’est bien poursuivi au cours de l’année 2003.

Pour 2003, l’excédent global du Trésor est estimé à environ 3 % du produit intérieur brut, soit une performance égale à celle de 2001. La capacité de financement du Trésor s’exprime également à travers son stock d’épargnes financières matérialisé essentiellement par les dépôts auprès de la Banque d’Algérie.

Les dépôts du Trésor auprès de la Banque d’Algérie ont enregistré une tendance haussière au premier semestre de 2003, soit un encours de 599,56 milliards de dinars à fin juin contre seulement 430,61 milliards de dinars à fin décembre 2002. A fin décembre 2003, l’encours de ces dépôts du Trésor s’est situé à 591,5 milliards de dinars, suite à d’importants décaissements au profit des banques publiques dans le cadre du remboursement de la dette publique.

  1. La nette amélioration de la liquidité bancaire et la consolidation marquée de la position financière extérieure ont constitué le principal déterminant de l’évolution de la situation monétaire au cours de l’année 2003.

En effet, la très importante augmentation des réserves officielles de change en 2003 est reflétée par la tendance bien haussière de l’agrégat avoirs extérieurs nets de la Banque d’Algérie qui a atteint 2408 milliards de dinars à fin décembre 2003 contre 2154,8 milliards de dinars à fin juin 2003 et 1742,7 milliards de dinars à fin décembre 2002.

Le niveau des avoirs extérieurs nets qui avait dépassé la masse monétaire au sens de M1, c’est à dire la monnaie fiduciaire en circulation ainsi que les dépôts à vue, à partir de 2001, a bien atteint 72,5 % de l’agrégat monétaire M2 (masse monétaire M1 plus les dépôts à terme) à fin décembre 2003, alors qu’il n’était que de 9,5 % à fin 1999.

Il s’agit là d’un phénomène monétaire nouveau caractéristique de l’évolution bien positive de la situation monétaire au cours de l’année 2003, faisant émerger l’agrégat avoirs extérieurs nets comme la quasi unique source de création monétaire par le système bancaire. Ce qui confirme bien que les réserves officielles de change sont devenues la principale contrepartie de l’agrégat masse monétaire (signes monétaires au sens de M2). Il s’agit là d’une garantie appréciable des signes (liquidités) monétaires dans l’économie nationale.

Corrélativement, l’évolution de la situation de la liquidité des banques au cours de l’année 2003 s’est caractérisée par un contexte d’excès d’offres de liquidité bancaire plus marqué sur le marché monétaire interbancaire.

Pour faire face à l’excès de liquidités sur le marché monétaire interbancaire et asseoir un contrôle efficace de la liquidité bancaire, la Banque d’Algérie a continué d’activer le nouvel instrument indirect de politique monétaire en augmentant le montant de ses opérations de reprises de liquidités sur le marché monétaire.

Ces reprises de liquidités par appel d’offre qui ont été engagées en avril 2002 avec un montant de 100 milliards de dinars ont atteint 200 milliards de dinars en juin 2003 et 250 milliards de dinars en décembre 2003 contre seulement 129,7 milliards de dinars en décembre 2002.

De plus, pour assurer un “réglage” fin de la liquidité bancaire, la Banque d’Algérie a maintenu tout au long de l’année 2003 l’instrument réserve obligatoire, dont le taux a été porté à 6,25 % en décembre 2002.

Ces deux instruments indirects ont permis à la Banque d’Algérie d’opérer des ponctions additionnelles de liquidités bancaires, pour prévenir tout risque d’inflation.  

Les dépôts des banques auprès de la Banque d’Algérie (y compris au titre de la réserve obligatoire et hors les dépôts inhérents aux reprises de liquidité) ont atteint 361,2 milliards de dinars à fin décembre 2003 contre 246,3 milliards de dinars à fin juin 2003 et 168,7 milliards de dinars à fin décembre 2002. Il importe de souligner l’absence de tout recours au refinancement auprès de la Banque d’Algérie depuis le début de l’année 2002.

L’évolution de la situation monétaire au cours de l’année 2003 montre que l’agrégat monétaire (M2) a enregistré une croissance de 15,1 %, dont 9,6 % pour le seul premier semestre, sous l’effet principalement de la forte augmentation des avoirs extérieurs nets. Il s’agit là de la poursuite du recul du taux d’expansion monétaire qui était de 17,3 % en 2002 et de 22,3 % en 2001.

Cette décélération monétaire est appréciable dans un contexte de deux années (2002 et 2003) pleines de mise en œuvre du programme de soutien à la relance économique. C’est ainsi que la conduite de la politique monétaire a contribué à la maîtrise de l’inflation et à la croissance économique.

La croissance monétaire au cours de l’année 2003, notamment en termes de disponibilités quasi-monétaires (15,8 % pour l’année dont 10,6% au second semestre), s’est conjuguée avec une augmentation de 11,3 % des crédits à l’économie, dans un contexte de conditions monétaires bien favorables (diminution d’un point du taux de réescompte en mai 2003, liquidités bancaires bien accrues et fonds prêtables potentiels significatifs, …).

Malgré la reprise des crédits à l’économie à partir de l’année 2001, le ratio crédits à l’économie/produit intérieur brut reste faible comparativement aux autres pays sud méditerranéens. Cet indicateur de niveau d’intermédiation bancaire est, cependant, en amélioration pour les trois dernières années.

L’augmentation des moyens d’action des banques a été appréciable en 2003, soit un taux de croissance de 10,4 % pour les dépôts à vue et de 15,8 % pour les dépôts à terme. Il s’agit là d’un bon ancrage pour l’amélioration soutenue de l’intermédiation bancaire.

L’agrégat monnaie fiduciaire, qui est évalué à 778,8 milliards de dinars à fin décembre 2003 contre 714,7 milliards de dinars à fin juin 2003 et 664,6 milliards de dinars à fin décembre 2002, s’est donc accru de 17,2% pour 2003 dont 8,9 % au second semestre. En 2003, le ratio monnaie fiduciaire / M2 a augmenté, alors qu’il avait enregistré une tendance baissière ces dernières années.

Cela constitue une opportunité additionnelle pour une intermédiation bancaire efficiente, d’autant plus que les ratios M1/PIB et dépôts à terme/PIB enregistrent un trend à la hausse depuis l’année 2001. Il reste que malgré cette autre amélioration de l’intermédiation bancaire, les ratios atteints en la matière demeurent en deçà de ceux enregistrés dans les pays sud méditerranéens. Il est également utile de rappeler que la place bancaire s’est vite stabilisée en 2003 après la cessation de paiements et la faillite de deux banques.                        

La croissance de la masse monétaire (M2) au cours de l’année 2003 s’explique principalement par le rythme élevé d’expansion des dépôts à terme (15,8 %) et dans une moindre mesure par l’expansion des dépôts à vue (11,9 %). Cela résulte de l’évolution de deux agrégats, à savoir :

  • L’accumulation accrue d’épargnes financières (dépôts à vue) par les entreprises du secteur des hydrocarbures, représentant une partie de la monétisation de leurs recettes d’exportations, et les ménages ;
  • L’augmentation des dépôts à terme en dinars, principale composante de la masse monétaire M2.

Au total, la masse monétaire (M2) est évaluée à 3340 milliards de dinars à fin décembre 2003 contre 3146,5 milliards de dinars à fin juin 2003 et 2901,5 milliards de dinars à fin 2002. La structure de la masse monétaire (M2), à fin décembre 2003, est comme suit :

  • Monnaie fiduciaire (pièces et billets en circulation) pour 778,7 milliards de dinars ;
  • Dépôts à vue pour 841,2 milliards de dinars ;
  • Quasi-monnaie (dépôts à terme en dinars et dépôts en devises) pour 1720 milliards de dinars.

Au total, la bonne tenue de ces principaux indicateurs monétaires et financiers confirme la stabilité monétaire, elle même ancrée sur une solidité marquée de la position financière extérieure de l’Algérie.

Il est important de souligner qu’il est apparu ces deux dernières années une corrélation entre le développement du secteur bancaire et la reprise de la croissance de l’économie nationale. Compte tenu des conditions macroéconomiques favorables (maîtrise de l’inflation, taux d’épargne élevé, programme d’investissements publics,…) et des dispositifs et mesures de soutien mis en place récemment, il appartient au secteur bancaire, dans le cadre d’une intermédiation efficiente, d’apporter une contribution plus accrue à l’activité économique.                    

Les conditions monétaires favorables sont propices pour une amélioration soutenue des ratios d’intermédiation bancaire notamment une bonne reprise des crédits à l’économie orientés vers l’investissement productif et les PME.